vendredi 3 octobre 2014

Pénurie d'approvisionnement dans la filière : tous responsables !

Les forestiers qui consultent la presse spécialisée ou assistent aux assemblées professionnelles l’auront constaté : les marchés du bois sont très dynamiques, mais mettent la « filière » en effervescence.

Penchons-nous un moment sur les tensions qui agitent le landernau forestier…et essayons d’en tirer quelques enseignements.
 
Les premières salves ont été tirées depuis les contrées de l’Est à l’automne 2013.

La cause ? Les difficultés d’approvisionnement de nombreuses scieries feuillues, Lorraines notamment.

Le principal « coupable » pointé du doigt : le grand export (la « Chine »).

Depuis un an, les choses ne sont absolument pas calmées -  l’aval (scieries, industries..) tirant à boulets rouges sur l’amont, l’amont (propriétaires forestiers, publics ou privés) tachant de réagir en pointant certaines responsabilités de l’aval :

-          Positions de l’aval : «cette  pénurie est le fait d’une défaillance de l’amont forestier à mobiliser le bois dont a besoin l’industrie et à tenir ses engagements »  dit la FNB ; appel à manifester (contre quelques chose… mais pour quoi ?) ; durcissement voire interdiction des traitements phytosanitaires, bloquant de facto l’export, réclament d’autres ; privilèges indus accordés aux propriétaires, susceptibles de remise en cause, osent encore certains ;

-          Réponses de l’amont : Propos poujadistes lit-on dans des revues forestières ; solidarité affichée et déclarations d’intentions  généralistes relève-t-on ailleurs…

Tout cela n’est évidemment pas satisfaisant : comment dans un pays disposant d’une telle richesse forestière, globalement sous exploitée, peut-on faire de la filière bois le 2e poste de déficit du commerce extérieur ? Comment dans une industrie feuillue qui a été saignée à blanc et dont la capacité a autant baissé, peut-on évoquer des pénuries de grumes  (rappelons que le volume scié dans l’industrie feuillue Lorraine a chuté de 40% entre 2000 et 2010 !).

Le diagnostic est malheureusement connu de longue date : notre filière doit se moderniser et se structurer.

Les propriétaires forestiers, détenteurs de la ressource, doivent assumer leur fonction de sylviculteur/producteur de manière responsable.

Les industriels/transformateurs doivent se tourner vers l’aval de leur activité, en travaillant sur l’innovation, le marketing, la modernisation de leur outil de transformation.

Les 2 doivent travailler en étroite collaboration, l’un ne pouvant fonctionner sans l’autre !

Un facteur de modernisation existe, il est pratiqué, salué, reconnu…mais encore minoritaire (25% des ventes en forêt privée).

Il s’agit de la CONTRACTUALISATION entre organisations de producteurs et industriels.

Les contrats d’approvisionnement ont fait la preuve qu’ils permettent  de faciliter et de sécuriser l’approvisionnement des transformateurs. Pour cette raison, ils représentent un facteur essentiel de développement et de compétitivité des entreprises de première transformation.

Les avantages pour les propriétaires sont également nombreux : débouchés et tarifs sécurisés pour une large gamme de produits (du merrain au bois énergie !), maitrise des qualités et des volumes, des conditions d’exploitation, raccourcissement des délais de coupe…

Mais alors, pourquoi cette pratique ne devient-elle pas majoritaire ?

Les 2 raisons principales sont :

-la force de l’habitude. Les ventes sur pied par adjudication remontent à une ordonnance royale de Philippe V en 1318 ! Pourquoi faire évoluer une pratique d’une telle modernité…

- la défense de chapelles : on confond alors développement d’un modèle d’organisation et choix d’un opérateur. Il est vrai qu’en forêt privée, la contractualisation n’est maitrisée que par les coopératives. Mais ce fonctionnement étant vertueux, quelle objection y a-t-il à le développer, à contribuer au développement des organisations de producteurs, et à inciter les autres gestionnaires à s’engager dans cette voie ?

Il n’y en a pas.

Les propriétaires privés et leurs instances représentatives doivent clairement se positionner dans ce sens.

Les politiques publiques en forêt privée (PDM, CFT, aides à l’investissement…) doivent contribuer à cette évolution.

Et enfin, les industriels transformateurs doivent encourager cette évolution, en modernisant leurs pratiques d’achat, pour rémunérer au juste prix une production forestière exploitée, triée, livrée, cadencée !

La pérennité de l’industrie du bois et celle de l’investissement forestiers sont en jeu...

Julien PETIT