Penchons-nous un moment sur les tensions qui agitent le landernau forestier…et essayons d’en tirer quelques enseignements.
La
cause ? Les difficultés d’approvisionnement de nombreuses scieries
feuillues, Lorraines notamment.
Le principal
« coupable » pointé du doigt : le grand export (la
« Chine »).
Depuis un an,
les choses ne sont absolument pas calmées - l’aval (scieries, industries..) tirant à boulets
rouges sur l’amont, l’amont (propriétaires forestiers, publics ou privés)
tachant de réagir en pointant certaines responsabilités de l’aval :
-
Positions de l’aval : «cette pénurie
est le fait d’une défaillance de l’amont forestier à mobiliser le bois dont a
besoin l’industrie et à tenir ses engagements » dit la FNB ;
appel à manifester (contre quelques chose… mais pour quoi ?) ;
durcissement voire interdiction des traitements phytosanitaires, bloquant de
facto l’export, réclament d’autres ; privilèges indus accordés aux
propriétaires, susceptibles de remise en cause, osent encore certains ;
-
Réponses de l’amont : Propos poujadistes lit-on
dans des revues forestières ; solidarité affichée et déclarations
d’intentions généralistes relève-t-on
ailleurs…
Tout cela
n’est évidemment pas satisfaisant : comment dans un pays disposant d’une
telle richesse forestière, globalement sous exploitée, peut-on faire de la
filière bois le 2e poste de déficit du commerce extérieur ?
Comment dans une industrie feuillue qui a été saignée à blanc et dont la capacité
a autant baissé, peut-on évoquer des pénuries de grumes (rappelons que le
volume scié dans l’industrie feuillue Lorraine a chuté de 40% entre 2000
et 2010 !).
Le
diagnostic est malheureusement connu de longue date : notre filière doit
se moderniser et se structurer.
Les
propriétaires forestiers, détenteurs de la ressource, doivent assumer leur
fonction de sylviculteur/producteur
de manière responsable.
Les industriels/transformateurs doivent se
tourner vers l’aval de leur activité, en travaillant sur l’innovation, le
marketing, la modernisation de leur outil de transformation.
Les 2 doivent
travailler en étroite collaboration, l’un ne pouvant fonctionner sans l’autre !
Un facteur
de modernisation existe, il est pratiqué, salué, reconnu…mais encore
minoritaire (25% des ventes en forêt privée).
Il s’agit de
la CONTRACTUALISATION entre
organisations de producteurs et industriels.
Les contrats
d’approvisionnement ont fait la preuve qu’ils permettent de faciliter et de sécuriser l’approvisionnement
des transformateurs. Pour cette raison, ils représentent un facteur essentiel
de développement et de compétitivité des entreprises de première
transformation.
Les avantages
pour les propriétaires sont également nombreux : débouchés et tarifs sécurisés
pour une large gamme de produits (du merrain au bois énergie !), maitrise
des qualités et des volumes, des conditions d’exploitation, raccourcissement
des délais de coupe…
Mais alors,
pourquoi cette pratique ne devient-elle pas majoritaire ?
Les 2 raisons
principales sont :
-la force de
l’habitude. Les ventes sur pied par adjudication remontent à une ordonnance
royale de Philippe V en 1318 ! Pourquoi faire évoluer une pratique d’une
telle modernité…
- la défense
de chapelles : on confond alors développement d’un modèle d’organisation
et choix d’un opérateur. Il est vrai qu’en forêt privée, la contractualisation
n’est maitrisée que par les coopératives. Mais ce fonctionnement étant
vertueux, quelle objection y a-t-il à le développer, à contribuer au
développement des organisations de producteurs, et à inciter les autres gestionnaires
à s’engager dans cette voie ?
Il n’y en a
pas.
Les propriétaires
privés et leurs instances représentatives doivent clairement se positionner
dans ce sens.
Les
politiques publiques en forêt privée (PDM, CFT, aides à l’investissement…)
doivent contribuer à cette évolution.
Et enfin,
les industriels transformateurs doivent encourager cette évolution, en
modernisant leurs pratiques d’achat, pour rémunérer au juste prix une
production forestière exploitée, triée, livrée, cadencée !
La pérennité
de l’industrie du bois et celle de l’investissement forestiers sont en jeu...
Julien PETIT